De Ouirgane à Sidi Kaouki

L'été dernier, à l'époque où je n'avais pas encore cette merveilleuse chose ronde qui poussait dans mon ventre, avec Rajli, on a donc voyagé. 

En bons vacanciers de la première heure, depuis des semaines voire des mois, j'avais commencé à réfléchir à la destination de l'année, à planifier, à faire des recherches, et même à commencer quelques réservations sur Air Bnb. C'était décidé, nous irions au Portugal. Non pas que j'y tienne particulièrement, pour moi le Maroc a encore bien trop à me faire découvrir avant d'aller crapahuter au-delà de ses frontières, mais Rajli était très tenté, et avait bien envie d'un petit tour sur d'autres terres.

En bon vacanciers de la dernière minute, Rajli et moi avons soudain réalisé qu'il fallait ajouter le Ferry aux frais du voyage, que tout nous semblait encore un peu flou dans nos têtes, et que la date du départ était presque arrivée sans que nous nous sentions vraiment prêts. Quelle ne fut pas ma joie quand il m'annonça que le Portugal était trop compliqué pour cette année, et qu'il serait plus sympa d'aller gambader dans notre pays ! 

C'est donc à la dernière minute, mais avec une efficacité sans pareille, que je me jetai sur une carte du Maroc pour regarder les régions que nous n'avions pas encore explorées. Depuis longtemps, je rêvais de voir Taroudant, peut-être en hommage à l'une de mes toutes premières amitiés marocaines, Hakima. Bien sûr, il y avait le grand sud, mais en plein mois de juillet, pas forcément judicieux. Pour satisfaire les envies de chacun, nous avons donc opté pour une boucle mêlant terres et mer, et sommes partis le cœur léger vers notre première étape. Nous avons réservé la première escale, puis pour la suite, nous verrions bien où le cœur (et Qashqai !) nous mèneraient...


Step ou7ada : Ouirgane

La kasbah que nous avions bookée sur internet nous déçut par l'eau verte de sa piscine, l'accueil très étrange de la part des ouvriers, aucun personnel pour nous accueillir, l'absence de propriétaires, bref une ambiance un peu particulière. Il s'agissait de Kasbah Africa, pourtant bien notée sur internet et avec des photos à tomber, peut-être sommes-nous arrivés à un mauvais moment, mais pour rien au monde nous n'aurions posé nos valises là-bas. Un peu refroidis mais pas suffisamment pour nous déstabiliser, nous avons visité une à une toutes les auberges du village, pour finalement tomber sur notre petit coup de cœur : l'Oliveraie de Marigha





L'accueil parfait, le décor merveilleux, le terrain immense, et, clou du spectacle, la nourriture à tomber par terre. De la cuisine traditionnelle marocaine revisitée façon gastronomie française, comme ces petits briwates au fromage de chèvre, les repas étaient un tel délice, avec chaque jour quelque chose de nouveau au menu, que nous en gardons un souvenir mémorable. 

Autre merveille : les suites sont en fait des pavillons individuels, éloignés les uns des autres sur le domaine, on a vraiment l'impression d'être chez soi. Tout était parfait, la double piscine, la musique douce en fond, la vue sur les montagnes, la sympathie des propriétaires... Nous l'avons classé dans notre top 3 des meilleurs auberges je pense ! Nous avons passé deux ou trois jours sur place tellement nous étions bien, avant d'entamer la suite de notre trip, et avons pu recharger nos batteries après de longs mois de travail et de fatigue. Ouirgane est une destination qui peut très facilement se faire au weekend, rajouter une trentaine de kilomètres après Marrakech, sur une route goudronnée, et ce paradis vous ouvre les bras.



Step jouj : Taroudant
Pour aller de Ouirgane à Taroudant, nous avons traversé le col de Tizi N'test. Imaginez le fameux col de Tizi NTichka, entre Marrakech et Ouarzazate, mais version route beaucoup plus étroite, bien moins aménagée et sécurisée, et encore plus typique. Des points de vue à couper le souffle, des virages à en revendre, des paysages à me faire rêver. Et clou du spectacle, la visite de la Mosquée de Tinmel, magnifique édifice perdu dans les collines. Elle est l'un des grands lieux de l'Histoire marocaine, à l'époque des Almoravides où elle bénéficiait d'un emplacement stratégique sur la route du sud. Abandonnée à son sort avant d'être restaurée en 1997, elle reste peu connue, et pourtant son architecture s'apparente à la grandeur de tant d'autres, comme la Tour Hassan de Rabat ou la Koutoubia de Marrekech. Nous sommes restés en admiration devant ses arches et ses perspectives stupéfiantes !



Six heures de route plus tard, nous redescendions de nos montagnes pour arriver dans la vallée de Taroudant. Mes espoirs n'ont pas été déçus, cette vallée d'oliviers et de terre sèche fut un bonheur à parcourir, même si la température avait dépassé les 40°, et que nous commencions à vraiment, vraiment nous demander ce qui nous avait pris de venir ici en cette saison. Mais ça, nous allions continuer à le penser jusqu'à notre départ de la belle Taroudant.





Pour la première nuit, nous avons logé dans un petit riad absolument merveilleux, Riad Ain Khadra, le long d'une route de sortie de ville, dans un décor pas spécialement magnifique qui ne permet pas d'imaginer le trésor qui se cache derrière ces quelques maisons. Les gérants qui nous accueillirent, un couple de marocains et leurs trois enfants, furent aux petits soins comme nulle part ailleurs. Humbles, agréables, souriants sans en faire trop, toute la famille s'attelait à nettoyer de fond en comble le riad qui venait de subir le passage du sable qui s'était déposé dans tous les recoins possibles et imaginables. Accueillis par un verre de thé et un jacuzzi en terrasse, nous étions comme des rois. Là encore (nous sommes bénis quand nous voyageons je crois ! Ou alors nous sommes le seuls assez fous pour aller à Taroudant en plein été) nous avions la piscine et le riad pour nous tous seuls, et avons passé vingt-quatre heures dans l'eau. 





Le lendemain, nous rejoignions une autre demeure de l'autre côté de la ville, Dar Talaa, plus grandiloquente, avec ses suites sublimes, son jardin des mille et une nuits, son immense piscine. Moins de coup de cœur avec le personnel, mais le lieu reste magnifique, même si la température était si haute (dans les cinquante degrés...) que même la piscine était brûlante. Pas besoin de serviette, nous séchions instantanément en sortant. La chaleur a tout de même rendu ce séjour un peu éprouvant, mais nous en gardons un beau souvenir.





Une virée en calèche puis à pied dans la madina de Taroudant nous fit un bien fou, dans la relative fraîcheur du soir. Cette ville est paisible, à part, fière avec ses immenses remparts, mais reste très humble et vit à son rythme. Elle est un très bel endroit à visiter, et j'y retournerais avec plaisir, peut-être plutôt en mi-saison ;)


Step tlata : Tifnit, village de pêcheurs
Prendre la route cette fois direction la mer ! Croiser un troupeau de dromadaires, longer d'immenses plaines sur de petites routes toutes droites, dépasser un rond-point en forme de tajine, puis déboucher sur cette splendide vue sur l'océan. Bienvenue à Tifnit. Ce petit village de pêcheurs, peu couru, qui m'a été conseillé par mon amie Dia, est un arrêt un peu hors du temps, loin des stations balnéaires habituelles ou des plages bondées de Dar Bouazza. Les barques bleues sont partout, étendues sur le sable, dans l'eau, ou en train d'être remorquées par quelque tracteur. 



Un peu plus loin, un souk improvisé vend des poissons fraîchement sortis de l'eau, que nous avons eu le bonheur de déguster à même le sable, le regard perdu dans l'horizon. Les enfants courent et se jettent à l'eau, les hommes pêchent, les femmes s'assoient sur le sable, quelques couples marchent le long de la plage. En contournant les maisonnettes entassées les unes sur les autres, une autre partie de la plage, tout aussi immense, s'offre à nous, et s'y balader fut un vrai moment de bonheur. Une petite pause originale à découvrir, pour plonger dans un Maroc marin encore traditionnel.




Step arbaa : Nid d'aigle, plage et parapente
Ne sachant pas par avance où nous irions exactement, quelques recherches sur Google pendant le trajet nous permirent de tomber par hasard sur une auberge appelée Nid d'Aigle



Un hasard plus qu'heureux, puisque cet endroit fut un coup de cœur du premier regard, et une découverte inoubliable. Perché en haut d'une petit colline, avec une vue magistrale surplombant l'océan et ses bordures dorées, le Nid d'Aigle est un petit bijou dont la simplicité paraît luxueuse. La piscine est sans doute le point d'orgue de ce paradis, avec sa vue à couper le souffle, on croirait se baigner dans les nuages. 




Mais le clou du séjour, totalement inattendu, fut notre baptême en parapente ! Le spot étant réputé pour son vent et son départ de vols en parapente, nous avons eu droit à un employé de l'auberge passionné qui proposait des baptêmes de l'air. Quelle sensation dingue de s'envoler à la tombée de la nuit, avec la mer en horizon, le sol à quelques centaines de mètres de ses pieds, et cette liberté unique qui s'empare de nous... En bas du Nid d'Aigle, une magnifique plage cachée derrière un mini-complexe touristique entouré de dunes de sable. Un spot à ne pas rater, quasiment vide et pourtant splendide.  




Step khamsa : Mirleft et Legzira
Je découvris pour la première fois la route menant à Mirleft, et compris l'attachement de nombreux marocains à ses paysages, ses falaises impressionnantes se jetant dans l'océan, cette plage propre et bien aménagée. Sans en avoir été particulièrement séduite, je reconnus que l'endroit vaut le détour ! 


Suite du trajet, direction Legzira et ses fameuses arches ! A l'époque, elles étaient encore toutes sur pied (c'était quelques semaines avant que l'une d'entre elles ne s'écroule...). Le spot était un peu trop touristique à notre goût, mais s'y balader fut tout de même un vrai moment de joie. Le plus impressionnant, outre ces immenses arches enfoncées dans la mer, fut d'observer la marée montante au fil de l'après-midi. En arrivant, nous avions pu aller à pied loin dans la mer, et en fin de journée les cafés retiraient peu à peu leurs tables pour ne pas les laisser se faire engloutir par l'arrivée des eaux. L'immensité de la plage, les amoureux se baladant, les pères assis sur des rochers avec leurs fils, les étrangers faisant une halte, le vent soulevant nos chapeaux, il existe une insouciance heureuse à Legzira, qui laisse au cœur un souvenir apaisé. Un incontournable du plus beau pays du monde... :)





Sept sta : Sidi Ifni, Guelmim et la Plage Blanche
Nous reprîmes la route cette fois-ci direction... la Plage Blanche ! Combien de fois ai-je rêvé de m'y rendre, ai-je regardé des reportages sur cette immense étendue de sable de plus de quarante kilomètres, qui servait de repère aux bateaux espagnols ? Cet endroit encore vierge d'installations touristiques, encore peu couru, brut, dans toute sa splendeur naturelle ? Il faut en profiter tant qu'il est encore temps... 



Pour y aller, il faut passer par Sidi Ifni, la dernière ville du Maroc avant sa côte désertique. Cette petite cité aux accents espagnols et chefchaouanis, toute de bleu et blanc vêtue, nous plût. Traditionnelle, elle a un vrai charme avec son phare et sa position qui semble être au bout du monde. Pour atteindre la Plage Blanche, il fallut rentrer dans les terres. Une fois passé Sidi Ifni, nous quittions donc la côte pour retrouver des paysages secs et typiques : palmiers, villages, ânes, enfants, montagnes et collines... 


La végétation fut encore différente, et le trajet un véritable enchantement. La route nous mena jusqu'à Guelmim, les portes du désert ! Les paysages prouvent à eux-mêmes cette appellation méritée, puisque nos yeux observaient depuis un moment la terre se mêler de sable et de fins cailloux. Petit tour dans Guelmim sous une chaleur écrasante (encore 52° au compteur...), histoire de chercher notre route pour rejoindre la mer. Guelmim nous surprit positivement par ses infrastructures, sa propreté, son air de petite ville tranquille. Puis, ce fut le désert humain jusqu'à la Plage Blanche. Une route toute droite pendant des kilomètres, bordée par une végétation rase et sèche, puis quelques virages dans une série de collines, et enfin, l'océan. 



Arrivée surplombant l'oued Noun (ou Assaka) qui se jette dans la mer, impressionnant. La vue des tentes et des bâches entassées, Rajli se rappela les plages de Tamaris pendant son adolescence, quand les plages privées et les cafés n'avaient pas encore pris la place de ces campements de fortune, dans lesquels les familles venaient passer quelques jours de vacances, munies de couvertures, d'un petit réchaud et de maillots de bain. L'arrivée avec la vue sur l'oued et sur l'océan est absolument magnifique. Il faut ensuite laisser la voiture, puis dépasser les campements pour entamer le périple de la Plage Blanche. En quelques minutes, nous étions déjà tous seuls, sans rien ni personne à l'horizon, avec nos seules jambes pour marcher, nos yeux pour se remplir d'émerveillement, et la mer pour nous rafraîchir. 



Le ciel était un peu voilé, ce qui accentua ce sentiment d'immensité et de solitude, et nous passèrent un après-midi inoubliable, entre dunes de sable et eau salée. Une expérience unique et hors du commun qui nous marqua tous les particulièrement, peut-être davantage que toute autre. Sans doute nous imaginions-nous en explorateurs de terres vierges, ou plongés au cœur d'un décor hollywoodien. Nous repartîmes sur un nuage, bercés par la beauté incroyable que la nature nous offre, finalement lorsque l'on sait s'abandonner à ce qu'il y a de plus simple, de plus pur, de plus isolé.


Step sbaa : Sidi Kaouki
Déjà presque une dizaine de jours que nous crapahutions, la fatigue commençait à se faire ressentir, et nous avions grand besoin d'un dernier spot au calme, pour se ressourcer avant le grand retour à la vie casaouie. C'est donc en terrain connu que nous nous dirigeâmes pour la dernière étape de notre périple estival, destination l'arrière-pays d'Essaouira (j'y avais déjà consacré un article ici).  Plus exactement, au niveau de Sidi Kaouki, spot connu des amateurs de surf, mais la fatigue ne nous a pas laissés nous adonner à ce joli loisir marin. Mais nous ne fûmes pas en reste pour autant, puisque nous avons passé nos derniers jours dans un magnifique domaine au milieu des oliviers, Dar Sahil




Les propriétaires sont un couple de français ayant quitté leur vie métropolitaine pour venir s'installer au Maroc, amoureux comme nombre d'entre nous de ces terres enchanteresses. Aux petits soins, on se sent comme lorsque l'on rentre chez ses parents, avec sa petite maman qui prend soin de nous et nous dorlote comme personne. Sans parler de la décoration particulièrement réussie, mélange d'ici et de là-bas, d'avant et de maintenant, de couleurs vives et de matières naturelles, du goût et de la pétillance. Si le coeur vous en dit, partez vous promener dans les champs d'oliviers alentours, et laissez-vous portez par les cris des enfants, le son du muezin et les troupeaux de chèvres.

Un parfait havre de paix au milieu des oliviers, pas la halte la moins chère mais certainement une des plus inoubliables, qui vaut vraiment le coût pour se déconnecter et clôturer en beauté notre parcours.


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En musique bien sûr, retour chez nous, avec cette incroyable et merveilleuse sensation de ne pas rentrer "à la maison" mais de rentrer quelque part d'ailleurs et de génial... A chaque voyage je suis heureuse de rentrer chez nous, je n'ai pas cette horrible sensation que j'ai connue ailleurs, cette non-envie du retour, cette peur de la routine, des habitudes, de la maison sans entrain... C'est la chance d'être déracinée, ce n'est pas toujours facile, mais dans les moments comme celui-ci, où on aime tellement là où l'on vit, on se dit, comme on dit ici : hamdollah :)




NB : ne regardons pas la concordance des temps dans cet article, je crois que j'ai démarré au présent pour finir en passé simple, la grammaire est une chanson lointaine...

Gawria Aromatisée

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